Le bouquet de Rajae

 

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                                 Acrylique sur Toile 1,20m x 0,50m 

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Détail  

 

Je venais d'arriver à Brasilia, Rajae me proposa de visiter la ville.
Je n'avais pas encore de voiture. Elle venait le matin me chercher , toute souriante.
Elle me fit découvrir le marché des "importés", immense, où l'on trouve tout : copies de sacs, montres, lunettes, vêtements, alimentation ...
mais aussi les petits magasins du centre, aux enseignes  énigmatiques quand on vient de débarquer,
dans les "quadras", ces quartiers au premier abord tous identiques, au "carré",
et où pour circuler, on doit faire l'effort d'un certain apprentissage au début  afin de se repérer ... 

J'étais subjuguée par son aisance en portugais, cumulée à sa connaissance parfaite de l'anglais,de l'arabe et du français .
Elle avait vécu dans beaucoup de pays : Zimbabwé, Australie, Ethiopie, Maroc dont elle était originaire
et de chacun elle me racontait des anecdotes fascinantes. J'aimais son goût cosmopolite  pour l'artisanat  de toutes ces contrées lointaines,
sa façon de décorer sa maison, son amour des couleurs et sa manière très conviviale de recevoir
avec une attention extrême , concoctant des plats merveilleusement bons aux saveurs exotiques mêlées.
Tout en dégustant, je ne me lassais pas d'admirer l'arrangement de la table, les fleurs, les tableaux,
les masques africains, les tissus chamarés des canapés.

Nous en vînmes naturellement sur une idée de Rajae à aller ensemble deux fois par semaine dans une petite boutique  de carrelages,
très étroite, toute en longueur ouverte à chaque bout sur deux rues parallèles .
Nous allions y apprendre à faire de la mosaïque, seules élèves en "cours particuliers ",
sous la direction très décontractée tour à tour de la patronne ou de sa fille agée d'une douzaine d'années ...

On nous prêtait les seuls sièges disponibles : deux énormes fauteuils en velours rouge
un peu incongrus dans cet endroit et  couverts de poussière. 
Notre table de travail  était constituée d'une grande planche posée sur deux piles de cartons de carreaux .
Une fois installées comme deux reines de pacotille au milieu de la boutique,
nous barrions pratiquemment tout  le passage pour les clients. Nous trônions, apprenties privilégiées et
 immergées au milieu des carrelages dans un kaléidoscope de couleurs du sol au plafond ..

Nous commençâmes par décorer un dessous de plat, puis une boite, puis un cache-pot, ..
tout en devisant et en annonant quant à moi mes premiers mots en portugais avec les personnes présentes .
On allait s'acheter du matériel : pince à couper, colle... au magasin spécialisé : "Casa das Artes"
et on allait souvent ensuite prendre un verre en face à la librairie-café , très bien achalandée en livres d'arts.
J'y trouvai l'oeuvre complet de Jean-Baptiste Debret, ce magnifique peintre français qui a représenté
de façon si  précise et talentueuse, le Brésil du début du XIX ème siècle .

On s'asseyait à l'extérieur, à l'une des petites tables carrées,
 recouvertes de nappes en vichy de couleur différente chaque jour et décorées d'un mini bouquet assorti.
Ou bien on allait déjeuner dans une "lanchonette". Je découvrai la formule : on choisit dans un buffet ce que l'on souhaite manger
et l'on fait peser son assiette pour déterminer la note à payer.

J'invitais aussi Rajae à dîner avec son mari. Elle m'offrait toujours quelque chose :
un panier rempli de friandises confectionnées  par elle, des babouches rose indien... et une fois un énorme bouquet superbe :
becs de perroquets rouges et oranges, fleur de bananier au joli parme clair et aux étamines jaune d'or et palmes vertes .
Pour le garder toujours , j'eus envie de le peindre...

Quelques mois plus tard, j'exposai dans un joli café-brasserie-patisserie réputé de Brasilia, chez "Daniel Briand"  
J'accrochai la plupart des toiles à l'intérieur et quelques-unes dehors.
Le "Bouquet de Rajae" prit sa place naturellement au milieu de la terrasse, bordée de verdure,
à l'air libre, ou sous les stores tirés en cas de pluie.

Le tableau est revenu ensuite quelques mois à la maison et a voyagé au gré de mon inspiration de l'entrée au salon,
et puis il s'en est allé , il y a peu de temps chez une autre amie à qui il a plu 
et c'est très bien ainsi ...
Je vois moins souvent Rajae en ce moment mais il faut que je l'appelle ...
C'est une jolie personne .      

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