Le paravent aux perroquets

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Le paravent aux perroquets
tryptique,  acrylique sur toile 180 x 150 cm

Par goût, par défi, par envie, je peins sur des toiles de plus en plus grandes.
Le geste est plus large, l'impact visuel plus intéressant.
Cependant, à un moment donné ou à un autre, se pose toujours le problème du transport : lors des expositions ou des déménagements...
Longtemps, j'ai limité les dimensions des toiles à ce que je pouvais transporter dans notre voiture :
une Espace certes vaste, puis une Picasso un peu moins pratique...
Du coup, l'idée m'est venue progressivement des dyptiques, puis des tryptiques me permettant de réaliser de plus vastes compositions,
des oeuvres  colorées et surtout décoratives.
Les grandes villas modernes et blanches de Brasilia s'accomodent très bien des formats XL...et des couleurs vives,
l'espace donne de la respiration aux peintures,  
quand aucun rideau ne vient encadrer les baies vitrées, perturber le regard, quand la sobriété du décor met en valeur les tableaux.

Pourtant, de rares fois, on a envie d'une ambiance plus cosy, de se préserver le soir de l'obscurité du jardin...
Et si je fabriquais un paravent ? Du tryptique au paravent il n'y a qu'un pas, ou plus exactement quelques charnières à fixer entre les toiles.
Il y a déjà un moment que ces meubles parfois très originaux m'intéressent.
Ils sont devenus à la mode, quand quelques importateurs avisés en rapportèrent d'Extrême-Orient et qu'ils étaient au delà de leur beauté,
 bien utiles pour pallier, en isolant des coins de pièces, le chauffage insuffisant des demeures et châteaux.
Je me souviens d'une visite il y a plusieurs années au Musée Guimet à Paris.
J'étais restée plusieurs minutes devant des paravents japonais sublimes :
fleurs ou personnages étaient peints avec beaucoup de raffinement sur un fond laqué doré.
Bernard, mon mari est d'avis que les musées sont un endroit idéal pour "draguer"... C'est sans doute vrai...
Intrigué peut-être de mon immobilité, un homme vint m'aborder sous prétexte de partager mes impressions et
j'eus toutes les peines du monde à m'en dépêtrer, puisqu'il me suivit de salle en salle et même jusqu'au métro le plus proche...
Mais c'est une autre histoire...

Je me rappelle aussi un tryptique de Bonnard, l'un de mes peintres préférés, et un autre de Vuillard sur le même thème,
les deux représentant des enfants jouant dans un parc, sous l'oeil de leurs nourrices,
tandis que le soleil et l'ombre se font concurrence à travers les feuillages et dessinent sur les allées des taches contrastées violettes et vanille. 
Dufy a peint de bien beaux paravents aussi, jouant des couleurs, les faisant déborder des lignes en suggérant luminosité et vie intenses ...  
J'ai en tête celui de Paris, ville-lumière avec sa reine : la Tour Eiffel,
et un autre que j'ai redécouvert en feuilletant dernièrement un catalogue d'exposition et que j'avais oublié, ayant pour sujet justement des perroquets...   

Dès que j'ai commencé à peindre, le motif de ces oiseaux s'est imposé de lui-même.
Il faut dire que nous venions d'en admirer au zoo de Brasilia : des aras superbes aux couleurs flamboyantes et aux becs crochus qui se pavanaient,
accrochés aux grilles des cages, parfois la tête en bas, devant les visiteurs enthousiastes,
de moins spectaculaires perroquets gris du Gabon, de beaux perroquets blancs et de nombreuses perruches.
J'ai commencé par les beaux aras multicolores, puis ai peint en souvenir de l'Afrique, le moins joli Jaco gabonais, mais qui jacasse beaucoup mieux.
Quand nous vivions en Cote d'Ivoire, nous avions un voisin qui en élevait un. Il passait des heures à lui apprendre quelques mots.
Le perroquet était un très bon élève. Nous avions beaucoup de plaisir, quand on venait à l'heure de l'apéritif,
et que l'énergumène se targuait de participer à la conversation par quelques expressions toujours bien choisies.

J'ai découvert il y a quelques semaines, grâce aux livres que m'a montrés Jacques Ardiès,
galeriste passionné d'art naïf à Sao Paulo, l'oeuvre de Madeleine Colaço.
Cette franco-américaine, qui a émigré avec son mari portugais au Brésil dans les années quarante,
fonda à quelques encablures de Rio une école de tapisserie, qui n'existe plus malheureusement aujourd'hui.
Madeleine portait de grands chapeaux, habitait une jolie fazenda et dessinait avec une grande aisance à même la toile moult oiseaux,
et en particulier des perroquets, mais aussi des bahianaises à grandes jupes blanches.
Elle confiait ensuite ses canevas aux bordadeiras, les brodeuses très talentueuses, elles aussi,
et à qui elle avait appris un point de son invention, appelé depuis le "point brésilien". 
Comme je comprends Madeleine et admire sa créativité exubérante !
La nature généreuse, féérique souvent, étonnante et fantastique du Brésil ne cesse de m'inspirer moi aussi.

Finalement je n'ai pas installé le paravent devant la porte fenêtre qui lui était destinée... 
 J'ai préféré garder la vue sur le jardin et ne crains pas tant que cela l'obscurité du soir
 ni les démons que les paravents  étaient censés arrêter, comme on le pensait autrefois en Chine.
J'ai accroché le grand tryptique au mur. Il décore une petite salle à manger, auparavant un peu sombre et triste.
Les perroquets perchés aux branches, les philodendrons au premier plan, le tout sur fond de pièces de puzzle aux couleurs éclatantes,
 quelques véritables plantes vertes dans les angles et des orchidées sur la table,
on a l'impression de baigner un peu dans la jungle maitrisée d'une serre tropicale.
     
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