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Le talus,  
huile sur toile
1ère version

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Le talus fleuri, huile sur toile
2ème version 

Le talus

  La maison paternelle fut construite sur le lieu d'un ancien marais asséché.
Aujourd'hui, il subsiste encore au bout du terrain un petit étang et sur tout un côté, un très beau muret de pierres, gagné par les plantes.
Autrefois, le muret marquait la limite de la rive et servait à retenir la terre du champ en surplomb d'un bon mètre au dessus.
Trois grands pins presque centenaires plantés en bordure, du temps du marécage, se trouvaient dominer dorénavant, 
à la place des eaux boueuses et des roseaux, une jolie pelouse et ils faisaient tout le charme du jardin.

Malgré tout, comme chacun sait, le soleil se faisant parfois trop rare dans ces contrées de l'ouest breton,
nous commençâmes à élaguer plusieurs grosses branches basses de l'arbre le plus proche de la villa.
Maman était ravie de profiter ainsi de plus de luminosité le matin
et l'on pouvait encore largement trouver suffisamment d'ombre à l'heure du déjeuner, les jours de grande chaleur. 

Un soir de grande tempête, à la fin d'un été, père et mère calfeutrés chez eux, entendirent un grand fracas.
L'un des pins, celui du milieu, s'était écroulé d'un coup et il s'étalait de tout son long dans la prairie devenue sauvage au dessus de chez eux.
Il n'avait pas résisté aux assauts du vent et montrait ses entrailles : de grosses racines mises à nu,
soulevées du sol et entourées d'une belle terre noire éparpillée autour.
Le géant avait eu heureusement la bonne idée de tomber du bon côté, sans faire de dégats immobiliers...

Finalement, contre toute attente, on l'oublia vite et on ne le regretta pas.
Après que la souche fût débarrassée, Maman se mit à planter au dessus du muret restauré,
toutes sortes de plantes de rocailles et à fleurs qui se plurent et prospérèrent à merveille.
D'année en année, elle ajouta des espèces achetées en mini pots au marché ou d'autres déterrées ou bouturées, données par des amis. 
Je rapportai quant à moi des iris du sud de la France.
On garda quelques genêts qui avaient poussé naturellement en haut du talus et l'illuminaient joliment en juin et juillet.
Pour parfaire l'ensemble, Jean-Michel un charmant voisin, débroussaillait régulièrement sur quelques mètres en profondeur,
la prairie envahie par les arbustes, les ronces et les hautes herbes.

C'est plus beau qu'avant...
Les fleurs dégringolent en grappes par dessus les pierres.
Plusieurs fois l'endroit m'a inspirée pour peindre un peu à la manière des impressionnistes.
J'avais déjà réalisé une première version, quand un après-midi je partageai tubes et pinceaux
avec une amie des enfants venue en vacances quelques jours chez nous.
Assises côte à côte devant le même sujet, nous fîmes pourtant deux oeuvres très différentes.
Tandis que la jeune fille déposait un peu timidement des teintes pastels tout en délicatesse et en précision, très précautionneusement,
je maniais les brosses avec plus de vigueur et superposais à l'instinct, des touches plus épaisses et aux couleurs plus affirmées.
Je voulais un beau rose fuschia pour les fleurs, ce qui n'était pas si facile à obtenir. Il ne fallait pas y incorporer trop de bleu pour ne pas l'attrister,
ni trop de vermillon au risque de le rendre mièvre, ni trop de blanc pour ne pas l'affadir.
Nous avions devisé et travaillé avec ardeur. Au soir tombé, l'essentiel était là, il ne resterait qu'à peaufiner le lendemain. 
Les deux tableaux avaient du charme, pour des raisons différentes. L'apprentie trouvait le sien trop sage.
Je comprenais. Bien qu'un peu plus expérimentée, je me reproche très souvent de n'être point encore assez hardie.
On met tant de temps à être soi-même !

Ce qui me guide principalement, c'est d'essayer de rendre au mieux la lumière spécifique d'un lieu,
de garder en tête la première impression, celle qui a suscité l'envie de peindre à cet endroit précis, à cette heure-là...
Comme les enfants devant une feuille de papier, je place ce qui m'a attiré d'abord au centre de la toile,
sans me poser plus de questions et le reste s'organise ensuite autour naturellement.
Il faut, à mon sens, que peindre reste un plaisir, que l'éxécution ménage des surprises, y compris à l'auteur, savoir exploiter les harmonies qui se développent
au fur et à mesure, retenir, mettre en valeur ce qui est séduisant sur la toile, sans tout combiner et calculer d'avance...
Garder une fraïcheur, un tonus, une sensualité en éveil pour corriger ce qui devient trop technique, trop systématique, trop répétitif, trop laborieux...

On aura compris que je n'apprécie pas terriblement ces artistes qui font toujours la même chose, creusent le même sillon,
poursuivent le même filon, ceux qui usent de motifs ou "procédés", qu'ils répètent à l'envi jusqu'à saturation. 
J'admire ceux qui sont réellement créateurs, véritablement novateurs... Il y en a très peu...
A chaque époque, je pense qu' il n'y a que quelques leaders exceptionnels seulement,
suivis, copiés ou imités par la cohorte des amateurs et des faux avant-gardistes. 

C'est un défi passionnant de retranscrire les choses comme on les ressent,
de s'en approcher au plus près, sans tricher, en assumant sa personnalité.
 C'est un bonheur certain de surcroît quand d'autres admirent et reconnaissent comme authentiques et  touchantes
des oeuvres qu'on a composées d'abord pour soi.  La sincérité de l'ouvrage transparait magiquement sur les toiles 
sur lesquelles on a travaillé avec le plus d'agrément ou de confort avec soi même.
 Toujours j'aimerai peindre dans les jardins : "Luxe, calme et volupté". 

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