PIRENOPOLIS

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Pirénopolis      Acrylique sur toile 30 x 30 cm

La première fois que nous sommes allés à Pirénopolis, c'était un dimanche,
quelques jours seulement après notre arrivée au Brésil.
Nous ne voulions pas perdre de temps et commencer tout de suite à découvrir le pays,
en partant de bon matin, pour faire l'aller et retour dans la journée.
Nous fiant à deux vieilles cartes laissées par le prédécesseur dans la maison,
nous choisîmes d'aller au plus court, du moins en apparence... et après quelques hésitations à la sortie de Brasilia,
- il est toujours compliqué de s'orienter quand on n'a encore aucun repère -
nous prîmes l'itinéraire qui nous faisait emprunter une piste. C'était le plus exotique, pas le plus rapide !

Tout en essayant de déchiffrer sur les rares panneaux des destinations encore mystérieuses pour nous,
nous traversâmes des zones indifférenciées de commerces et d'habitations, puis quelques villages poussiéreux
ressemblant à tant d'autres sous ces latitudes. Je leur trouvai du charme néanmoins
à cause des couleurs pour la plupart très vives des façades : jaune citron, vert pistache, rose thyrien, violet, fraise écrasée, bleu azur.
Je m'amusai en outre à déchiffrer le sens des mots figurant sur les enseignes et pancartes :
borracharia (où l'on répare les pneus), lanchonette (où l'on déjeune), se vende (à vendre) ...  

La climatisation de la voiture était défaillante. On avait du laissé les vitres ouvertes, mais finalement,
avec une pensée fugitive pour nos années d'Afrique, on retrouvait sans déplaisir la chaleur des tropiques, 
les odeurs caractéristiques de la brousse: quelques effluves de bois brûlé par endroits et de fruits en décomposition
et la sécheresse de l'air brûlant sur les joues en même temps que la poussière de latérite... 
Bernard goûtait à nouveau les sensations grisantes de la conduite sur piste,
exception faite des freinages fréquents imposés par les très nombreux quebramolas (dos d'anes).
Cela me laissait le temps de regarder ce que proposaient les petits vendeurs installés judicieusement à côté des ralentisseurs :
dés de fromage grillés sur brochettes, régimes de bananes, ananas.

Nous roulions maintenant au milieu du cerrado : la savane arborée caractéristique du plateau central du Brésil.
Les palmiers disséminés dans les collines verdoyantes, les petits étangs, les fermes ou les bicoques isolées
aux couleurs toujours pimpantes, tout contribuait à donner au paysage une allure de tableau naïf.

Cette impression perdura quand nous atteignîmes Pirénopolis, tout spécialement dans le quartier touristique.
Nous visitâmes en premier une jolie église blanche et bleu ciel, dont une partie était en restauration, à cause d'un incendie récent.
Elle dominait quelques rues en pente bordées de petites échoppes étalant leurs marchandises devant leurs portes et aux fenêtres :
tapis en lirettes de coton, nappes et napperons brodés, calebasses décorées et aussi
toute la panoplie habituelle des fripes indiennes mêlée à l'artisanat local :
T-shirts colorés, robes bariolées, sacs en patchwork de tissus pour nostalgiques des seventies ou nouveaux bobos routards.
Dans une embrasure turquoise, je remarquai en particulier, appuyées sur un coude et le menton dans une main
deux amusantes bonnes femmes en bois peint, presque grandeur nature.  

On entra dans quelques boutiques. J'achetai mon premier maillot de bain brésilien...  quelques sets de table et un joli hamac rouge
pour donner du pep's à notre toute nouvelle demeure.
Je m'aperçus que la ville recelait aussi quelques très intéressants ateliers de joaillerie
 particulièrement pour les bijoux en argent et en pierres précieuses venant du Goias ou du Minas Gerais...
Nous fîmes une pause en prenant un verre sous un parasol bleu au milieu de la rue pavée.

Plus tard, non loin de la rivière où se rafraichissaient moult personnes dans les éclats de voix et les éclaboussures,
nous choisimes un peu au hasard de nous asseoir sous l'auvent d'une petite buvette très rustique
et profitâmes bientôt du brouhaha supplémentaire de la sono d'une voiture, toutes portières ouvertes et à l'arrêt, à quelques mètres de nous.
Il était largement l'heure de déjeuner... On nous apporta une bière "familiale" dans son pot isotherme jaune
et un poulet tailladé en morceaux avec un gros tas de frites de manioc délicieuses.
La boisson acheva avec la chaleur et le bruit ambiant de nous plonger dans une certaine léthargie...
Je dégoulinai à l'ombre, accusant la fatigue, en regardant avec attendrissement un petit bout de fillette, d'environ deux ou trois ans,
 cheveux en bataille, allant et venant de la cuisine à la terrasse ou s'aventurant de quelques pas dans la rue, toujours pieds nus.
Elle revenait régulièrement dans les jambes de sa mère, occupée au service, et attrapait au passage trois frites
ou un esquimau dont elle barbouillait son joli minois et son T-shirt déguingandé. 

L'après-midi avançant, nous nous extrayâmes de notre tablée pour trouver l'énergie de visiter à côté le petit musée consacré 
aux Cavalhadas et à la Fête de l'Esprit Saint,  joutes et manifestations qui durent plusieurs jours au moment de la Pentecôte chaque année.
Toute la population commémore en plein air la bataille célèbre entre Maures et Chrétiens, celle que Charlemagne livra contre les Sarrasins.
C'est la Reine Isabelle du Portugal qui eut l'idée de cette représentation théâtrale, reprise ensuite par les jésuites à partir de 1820 à Pirénopolis.
Le musée présente des costumes de chevaliers, des masques, des armes , quelques peintures, des photos et des films des fêtes passées.

Nous retournâmes une autre fois à Pirénopolis... en empruntant le goudron.
Bernard participait à un congrès international de chercheurs dans la petite ville.
Je l'accompagnai  et déambulai de nouveau pendant leurs assemblées, dans les rues cette fois beaucoup moins animées.
Presque toutes les boutiques étaient fermées.
Il y avait bien des sentiers et des cachoieras (cascades) à découvrir dans les alentours, mais je n'osai m'aventurer seule pour randonner.
Pour m'occuper, je m'attablai, commandai un suco de laranja (jus d'orange) et fis une esquisse de la plus jolie ruelle,
avec en point de mire l'église si gracieuse et emblématique du lieu.
Elle avait d'emblée une allure de "souvenir", un petit air de  confiserie en sucre glace,
avec ses deux clochers blanc immaculé  et bleu "Ste Vierge" et les deux palmiers placés symétriquement de part et d'autre.
Un vrai cadeau pour un artiste peintre.

Je commençai dans la chambre d'hôtel un petit tableau à l'acrylique,
où coexistaient des bleus outremer doux et turquoise, le vert nuancé de quelques arbres derrière les rangées de maisons
aux toits de tuiles rouges et orangées. Je peignis ensuite quelques personnages et retouchai le ciel en ajoutant de gros nuages,
imaginant une pluie d'orage proche, de fin d'après-midi, quand la lumière ajoute alors des contrastes séduisants.

Pirénopolis avait indéniablement un côté attachant...
Plus que de la beauté, certains lieux comme certaines personnes
ont sans faire de grands efforts, un charme ineffable et durable.
Pirénopolis est de ceux-là. cela ne s'explique pas ...    
  
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